Voici une
histoire écrite l’an dernier et qui faisait partir du recueil de nouvelles pour jeunes lecteurs Histoires
en train... bonne lecture !
Poubelle la
vie
Un
journal, je suis coincée sous un journal ! Plié dans le sens de la
longueur. A cause de ce sale moutard. Depuis que je suis dans ce wagon, il me
chasse constamment alors que moi, je veux seulement manger ses restes et pondre
mes larves ! Il essaie tout le temps de m’écraser avec son livre ou le
plat de se main.
Mais
des armes comme ça, laissez-moi rire ! Grâce à la puissance de mes yeux,
j’anticipe, je voltige, je feinte et je m’échappe! Par contre, le coup du
journal, c’est une première.
Près
de son genou, je me baladais à l’intérieur de la poubelle, en train de chercher
de quoi grignoter. Il l’a ouverte délicatement, les yeux au ras du couvercle,
je suppose qu’il m’avait repérée quand je m’y étais glissée quelques instants
avant. Il s’était emparé d’un journal, sûrement emprunté à sa mère, l’avait
tordu pour en faire une massue et m’avait attendue.
Dès
que j’ai eu assez de place pour m’échapper, j’ai fait tourner mes ailes à plein
régime et je suis sortie… mais à peine posée sur la tablette, j’ai senti un
courant d’air venir dans ma direction. Mes yeux se sont alors pointés sur le
môme, et j’ai constaté avec horreur qu’il était en train de diriger son journal
vers moi, avec un air évident de plaisir. Je n’ai pas eu le temps de bouger que
le canard s’écrasait sur moi.
Mais
je m’en suis sortie, il n’avait pas été assez précis et le coup m’a laissée
inconsciente. Je dois mon salut à l’arrogance de mon adversaire qui n’a même
pas daigné soulever l’arme du crime pour voir si j’étais bien morte !
Du
coup, je prends la mouche et décide de me venger de lui. Je dois agir vite, le
coup a laissé des séquelles sûrement irréversibles et je n’en ai donc pas pour
longtemps avant de rejoindre le paradis des mouches…à ce qu’on dit, c’est une
énorme montagne d’excréments et de déchets qui grouille de vermine, et ça
vrombit comme un moteur !
J’arrive
péniblement à m’extirper du journal et vole maladroitement vers le gamin, en
train de se vanter à son frère de son exploit criminel. Je le survole, silencieuse
comme un Sioux, puis le téléphone compliqué de sa mère surgit alors dans mon
champ de vision. Sa mère tripote constamment ce petit objet perfectionné :
ça doit être important pour elle. Mais là, elle est partie visiter les
charmantes toilettes du train et l’a laissé devant elle sur sa table. Une idée
germe en moi et commence à s’agiter comme un ver frétillant dans un tas
d’immondices.
Je
fredonne un instant près de l’oreille du môme, exécute deux piqués et un
looping pour le narguer et être sûre de l’énerver, puis viens bruyamment
parader sur le téléphone. Comme prévu, cette brute m’a repérée et tente
discrètement de rapprocher sa main. Patiente et immobile, les yeux pointés dans
sa direction, je guette le moindre mouvement de sa part. Soudain, il tend le
bras en arrière.
Je
me prépare aussi, prête à décoller. Ca y est, son bras s’abaisse enfin au-
dessus de moi, il va me donner le coup de grâce. J’attends le dernier moment,
puis mets les gaz à la dernière fraction de seconde.
A
peine décollée, j’entends derrière moi un réjouissant vacarme : comme
prévu, le téléphone a été complètement fracassé ! Il vient de chuter dans
le grand couloir poisseux du train et de voler en éclats ! Le temps que je
trouve un endroit pour me poser, la mère accourt déjà en hurlant et se prend la
tête à deux mains en découvrant l’œuvre de son fils!
Le
gosse pleurniche mais rien ne semble calmer les cris de la mère, qui s’en prend
maintenant à lui et lui annonce qu’il va être privé de jeux-vidéos pendant un
mois. Mon vocabulaire limité ne me permet pas de savoir ce que sont les
jeux-vidéos, mais les larmes qui coulent sur sa mine déconfite et ses bruyants
reniflements ne laissent pas de doute. Allez, mouche-toi petit !
Je
tiens ma revanche. Alors j’essaie de m’envoler vers un autre wagon, mais mes
ailes refusent de rentrer en action…
Je
suis très fatiguée, j’ai mal partout…
Mes
dernières forces m’abandonnent…
Montagne
géante, me voilà…
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